Albane Valenzuela, comment vivez-vous ce confinement, outre-Atlantique?
Je me trouve aux Bahamas, où vivent désormais mes parents. Le confinement, c’est dur pour tout le monde, y compris pour une golfeuse suisse aux Caraïbes. Il y a beaucoup d’incertitude avec ce virus, hors du contrôle humain. C’est difficile pour tous les athlètes, bien sûr, mais cela nous montre bien qu’il y a des choses plus importantes que le sport actuellement. Il faut juste rester patients et on verra bien.
Être confinée aux Bahamas vous empêche-t-il vraiment de jouer au golf?
D’une semaine à l’autre, on passe du confinement total à… rien du tout, liberté générale! Tout à coup, on a le droit de retourner dehors, puis on revient en arrière, et là, vous ne pouvez même plus sortir de chez vous pour prendre l’air. Il y a des amendes qui excèdent 10000 dollars et même la prison si vous ne respectez pas les règles. C’est très strict, on ne rigole pas avec ça. Maintenant, comme on habite sur… un terrain de golf, j’ai tout de même pu m’entraîner un peu sur quelques trous, même si officiellement tout est fermé. Sinon, j’essaie, chez moi, de me maintenir en bonne forme physique.
Les États-Unis ont été durement touchés par le Covid-19. Aux Bahamas aussi?
Il n’y a eu à ce jour qu’une cinquantaine de cas annoncés et neuf morts sur les 330000 habitants que compte l’archipel. Maintenant, si c’est assez bien contrôlé, on lit tous les jours des articles contradictoires. En fait, personne n’en sait rien. Difficile de se projeter dans ces conditions. Le calendrier de la LGPA prévoit que nous aurons des tournois au mois de juin. On ne sait jamais mais, franchement, je ne suis pas vraiment optimiste sur le fait qu’on puisse déjà jouer dans deux mois…
C’est Donald Trump qui a exigé que le sport professionnel devait reprendre aux États-Unis…
Il disait déjà qu’à Pâques, tout serait terminé, alors je vous avoue que je ne l’écoute pas vraiment!
Et qu’en est-il de vos études?
Finalement, avec ce coronavirus, tout n’a pas été si négatif pour moi. Je me demandais bien comment je pourrais réussir à finir mon diplôme en juin tout en continuant à jouer au golf. Maintenant que tous les cours sont en ligne, j’ai pu les suivre durant un trimestre complet, avec des sujets très intéressants. Cela me permettra d’obtenir mon diplôme dans cinq à six semaines. C’était donc un mal pour un bien car avec un calendrier complet, je ne m’en serais pas sortie aussi facilement.
Et comment s’est déroulée votre saison jusqu’ici?
Je n’arrive même pas à la qualifier de saison puisque je n’ai disputé que trois tournois. Cela ne veut donc absolument rien dire. J’ai terminé toutes mes compétitions sous le par, j’ai été très constante. Ce n’était peut-être pas un début parfait mais pas si mal pour une rookie. Mon jeu était là et je me réjouissais de me rendre à Phoenix, finir la saison normalement. Maintenant, mon but sera d’être prête physiquement et mentalement dès que les tournois reprendront car cela risque bien de s’enchaîner à un rythme intense pour rattraper le temps perdu.
Si la compétition reprend, vous pourrez jouer l’esprit plus libéré?
C’est exact. Grâce à cette opportunité de finir tranquillement mes études démarrées à Stanford, je n’aurai plus à y penser une fois que je serai sur le circuit. Je dois avouer qu’en début de saison, en compétition, j’y songeais quand même toujours un peu. En portant ce fardeau sur mes épaules, il n’était pas toujours évident de concilier mes études avec mon sport. J’aurais désormais l’esprit beaucoup plus libre pour me consacrer totalement au golf.
Vous n’aurez pas non plus les JO de Tokyo en tête puisqu’ils ont été reportés d’un an. Était-ce un soulagement pour vous?
Sincèrement, vu comme les choses se déroulaient pour moi, je me demandais en effet comment j’allais pouvoir me qualifier. Au classement, je me situais entre la 59e et la 61e place mondiale alors qu’on offrait un billet qu’aux soixante meilleures joueuses. C’était donc assez serré et, étant donné ma situation, il aurait été relativement compliqué d’y parvenir. Là, je dois encore me qualifier. Mais le report d’un an de ces Jeux va garantir une chance égale à tous les athlètes pour se préparer au mieux à cet événement. Et puis, franchement, il aurait été triste et anormal de participer à une cérémonie d’ouverture sans spectateurs dans les gradins. Mieux vaut attendre 2021 avec une belle ambiance olympique.
Comment envisagez-vous la suite de votre carrière?
La LPGA est un tour global, avec environ 30 à 40% des tournois aux États-Unis et le reste à l’étranger, dont beaucoup en Asie, au début et à la fin de la saison. Il y aura aussi des compétitions en Europe, à Évian bien sûr et le British Open, mais pas suffisamment pour changer de circuit. C’est sur le sol américain que se trouvent les meilleures joueuses et les tournois les plus réputés au monde. Au final, c’est ce que je recherche. J’adore Genève et je me considère toujours comme une Suissesse, mais ce n’est pas en Suisse que je vois mon avenir pour les dix prochaines années. Si on vit toujours dans le regret d’un manque, on n’avance pas. Mais peut-être que je reviendrai un jour.
Source La Tribune de Genève