La réalisation d’une performance sportive est souvent présentée tout à la fois comme l’objectif et la récompense de tous les efforts consentis lors de séances d’entraînement plus ou moins nombreuses, longues et intenses. L’effort sportif est indéniablement associé pour nombre d’individus, sportifs ou non, à l’idée de dépassement de soi.
Les bienfaits du sport et plus particulièrement de l’effort physique, en matière de santé, ont souvent été démontrés . Ces incidences positives sur la santé résulteraient d’efforts physiques modérés et réguliers.
Mais la pratique sportive conduit aussi au dépassement de soi non sans engendrer son lot de blessures et de souffrances . La compétition pourrait, en premier lieu, être accusée d’engendrer ces maux par les fortes cadences et intensités d’entraînements qu’elle exige .
En effet, le modèle compétitif incite au rendement et à la recherche effrénée du record. Victoires et performances en constituent des moteurs symboliquement valorisés. Mais même en l’absence d’enjeux compétitifs, les sportifs n’hésitent pas à se dépasser et à prendre parfois d’importants risques .
La réalisation d’une performance, que celle-ci se mesure à l’aune de résultats personnels ou en comparaison à d’autres concurrents, s’inscrit généralement dans une histoire longue faite d’entraînements et d’efforts répétés à l’intensité plus ou moins prononcée. Cette discipline à laquelle s’astreignent de nombreux sportifs s’apparente à une forme de violence sur soi .
Elle s’objective entre autres dans des ressentis corporels souvent douloureux si ce n’est parfois des traumatismes ou des blessures à la gravité variable et elle renvoie aussi à des rapports de force entre individus.
Tout en façonnant et en maîtrisant son propre corps, le sportif peut ainsi chercher à se comparer ou à se différencier des autres, sportifs ou non .
Le rapport à l’effort sportif qui a priori peut apparaître comme relevant du seul domaine du ressenti corporel intime renvoie en réalité à des conceptions morales où ascèse et mérite sont étroitement liés. Les individus associent en effet à l’effort des valeurs positives à tel point qu’avoir « le goût de l’effort » est valorisé .
Mais l’échelle du mérite ne s’appuie pas sur les seules capacités physiques, souvent assimilées à de véritables dons.
Au contraire, elle met en exergue les efforts consentis soulignant ainsi la volonté et la persévérance mises en œuvre pour surmonter une difficulté. L’effort n’est pas uniquement loué pour ses finalités utilitaire (remporter une compétition, réaliser une performance, sculpter son corps…) mais aussi, et peut-être surtout, pour ses finalités morales et sociales.
Sophie Muller
CH+SPORTS