Imaginez. Votre moitié se lance dans un trail à Verbier. Des kilomètres de course avalés sur des sentiers abrupts et escarpés. De votre côté, vous avez pour mission de l’accompagner et d’assurer son ravitaillement aux étapes clés: gourde, bâtons et chaussures de rechange, vous êtes parée. Une étape est prévue dans une cabane glaciale, perchée à 2500 mètres d’altitude. Dans la nuit, vous attendez plusieurs heures, le cœur battant, sachant son arrivée imminente… Pour finalement vous assoupir et manquer son passage, à cinq minutes près. Il ne vous reste plus qu’à redescendre, la boule au ventre. Tout ça pour rien.
Le sport ne requiert pas seulement un investissement de temps. Il arrive aussi qu’il soit demandeur sur le plan mental. S’adapter aux horaires et faire avec l’agenda de son petit ami, hockeyeur professionnel, ce n’est pas tant ce qui a posé problème à Julie*, 24 ans: «Il y a quelques mois, mon compagnon a vécu des tensions avec son entraîneur. Cela l’a complètement abattu. Il partait à l’entraînement la boule au ventre. Il n’arrivait plus à faire la part des choses et il ramenait tout à la maison.» Dans ce cas, la fatigue morale s’est avérée bien pire que la fatigue physique: «Il est soudain devenu très apathique, très déprimé, tout lui demandait une énergie féroce.» Julie voit également un autre enjeu dans le sport professionnel: la médiatisation. «Dans le monde du travail ordinaire, les problèmes ne risquent pas d’être exposés sur la place publique. Au contraire, dans le sport, tout est intrinsèquement lié à la personne», regrette-t-elle. Son couple est néanmoins parvenu à trouver une solution: «Parler, parler, parler! Lui qui est de nature plutôt introvertie, il a compris l’importance d’extérioriser. Cette épreuve nous a fait grandir et nous a soudés.»
Marine Brunner