Traverser le lac Léman à la nage relève de l’exploit. Le Vaudois Noam Yaron l’a fait en 19 heures et 53 minutes. Il nous parle de son extraordinaire traversée.
À peine concevable. Voilà comment décrire la performance de Noam Yaron. Le Morgien de 24 ans s’est élancé vendredi du château de Chillon et a terminé son parcours le lendemain au Bains des Pâquis à l’autre bout du lac Léman. Le nageur a avalé les 75 kilomètres en seulement 19 heures et 53 minutes, pulvérisant le record précédent (22 heures et 29 minutes) détenu par l’espagnol Jaime Caballero. Un accomplissement, son «Odyssée du Léman», qui s’est préparé longtemps à l’avance et en ne laissant pas la place aux moindres détails, mais qui se veut aussi engagé, puisque le nageur collabore avec l’Association pour la sauvegarde du Léman (ASL). Au bout du fil, Noam Yaron nous a raconté sa traversée, entre bonheur et douleur:
Noam Yaron, ça fait longtemps que vous avez cette traversée en tête?
J’ai pratiqué la natation de 8 ans à 18 ans. Ensuite j’ai eu une sorte de deuxième carrière avec la découverte de l’eau libre à la fin de mes années de natation d’élite. Mon meilleur résultat est champion suisse sur 3000m. C’est une discipline qui commence à être connue. Mais elle a peu de représentants en Suisse, aussi pour des raisons météorologiques, comme l’actualité nous le rappelle. C’est comme ça qu’est née mon amour pour l’eau libre, la passion pour le lac. J’ai fait trois traversées dans la largeur, sur laquelle j’ai aussi le record.
Racontez-nous comment s’est passée cette traversée.
C’était très compliqué, nous ne nous attendions pas à ces conditions. Par exemple, nous nous attendions à une eau à 20 degrés, mais elle était plutôt à 18-19 degrés en pleine journée et 12 degrés dans le petit lac (ndlr: entre Yvoire et Genève). Il y a eu beaucoup de mauvaises surprises, nous avons été confrontés à la bise, la pluie, des débris dans le lac, des torrents très forts à des embouchures de fleuves. Les conditions étaient atroces.
Nous avions aussi deux bateaux électros solaires qui nous suivaient et nous avons dû en abandonner un en cours de route à cause des conditions. Ça donne le ton de toute l’action qui s’est déroulée durant ces 19 heures 53 minutes d’aventure.
À plusieurs reprises, l’équipage m’a dit qu’il fallait peut-être s’arrêter là. Mais j’ai vraiment tenu bon. Mes chronos n’étaient pas mauvais, mais je n’arrivais pas vraiment à les connaître, puisque tout était fait un peu dans la panique sur le moment. Il y a aussi eu des décisions à prendre en termes de trajectoire, en fonction des courants, des vagues. Mais j’étais entraîné, physiquement et mentalement à subir des imprévus. Mon caractère de tête brûlée a fait qu’on reste sur le droit chemin et qu’on continue cette aventure.
On a réalisé des pointes de vitesse sur le petit lac qui se rapproche de celles de médaillés olympiques dans des courses en eau libre. C’est incroyable. Toutes les étoiles étaient alignées, j’étais bien dans l’eau. Mais il ne fallait pas flancher. Je suis très content d’avoir gardé la tête froide, je crois que c’est le mot, pendant toute la traversée.
Le Matin